samedi 27 février 2016

Turquie, année zéro - Kadri Gürsel

Journaliste turc renvoyé du quotidien Milliyet pour avoir tweeté contre le gouvernement de Recep Tayyip Erdoğan, Kadri Gürsel dénonce, dans cet ouvrage très mince et très court, ses dérives autoritaires - voire totalitaires, ses politiques intérieures et extérieures. Elles sont, pour lui, alarmantes et désastreuses. Alarmantes parce qu'elles mènent le pays vers le chaos. Désastreuses parce qu'elles l'éloignent des aspirations premières du père fondateur (Atatürk): Progrès, Laïcité, Liberté et Fraternité. Kadri Gürsel s'insurge: la politique va-t-en guerre de l'A.K.P, son immixtion dans la politique intérieure syrienne, ses volontés expansionnistes néo-ottomanes, son alliance idéologique et politique avec les Frères musulmans, son soutien "discret" et silencieux à Daesh sont autant de faux pas qui isolent et fragilisent le pays sur la scène internationale. Quant à sa mauvaise gestion du pouvoir, son autoritarisme, son intransigeance face à l'opposition et la communautarisation de la vie politique, elles exacerbent, selon lui, les tensions dans le pays toujours plus affaibli.

La critique du journaliste démi de ses fonctions est la bienvenue. Elle interroge, à juste titre, la sincérité du pouvoir politique, ses projets et ses ambitions. Elle révèle leur duplicité, leurs erreurs et leurs faux-pas. Et pourtant, elle manque, à mes yeux, d'efficacité. Elle est, en effet, pour moi, mal écrite, mal organisée. Et j'ai, moi aussi, une critique à lui apporter. Si je suis d'accord avec Kadri Gürsel pour dénoncer les politiques internes et externes de Recep Tayyip Erdoğan, je suis en désaccord avec lui lorsqu'il s'agit de "vanter" les mérites des régimes précédents qui n'ont, malheureusement pas été plus efficaces en terme démocratiques. J'entends souvent, dans la bouche des nouveaux opposants au régime, "la Turquie, c'était mieux avant". Le propos n'est vrai qu'à l'égard de celles et ceux qui n'ont pas souffert "avant". Pour les autres, les Kurdes en particulier, l'"avant" vaut l' "après", le régime ayant toujours eu à leurs égards les mêmes pratiques assassines et anti-démocratiques. Où étaient-ils ces "nouveaux" opposants"? Pourquoi n'ont-ils pas dénoncé avec autant de forces et de convictions les élans autoritaires voire totalitaires du régime lorsqu'il s'agissait de leurs "frères" kurdes? Il y a, chez eux, comme un réveil, un sursaut. Ils ont l'air de découvrir que le régime politique turc est capable du pire. Faut-il le leur rappeler? Recep Tayyip Erdoğan ne fait que poser son cul sur un trône déjà prêt pour un exercice du pouvoir, il est vrai autoritaire. Il ne fait qu'imiter ses prédécesseurs et user des mécanismes déjà en place. La seule différence avec l'homme c'est que ses "ennemis" sont plus nombreux - toutes celles et ceux qui ne sont pas avec lui sont contre lui - et que les "protégés" d'autrefois sont les "parias" d'aujourd'hui. Faut-il attendre d'être touché pour crier et s"indigner? La question mérite d'être posée...  

Turquie, année zéro, Kadri Gürsel, Les éditions du Cerf, 80p, 5€

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