vendredi 9 octobre 2015

Home - Toni Morrison

Il est court, rapide à lire. Il écrit d'une traite, avec une certaine douceur, la "petite" histoire des Etats-Unis. C'est la ségrégation qui mine le pays, c'est la guerre ratée en Corée. Et c'est Frank Money, un "noir" originaire de Géorgie, vétéran de la guerre de Corée, que l'on rencontre dans ce roman. C'est un homme touché, meurtri, blessé que l'on découvre dans ce récit. Il a, comme tout homme envoyé en guerre, des images qui hantent son esprit. Il est, comme beaucoup de vétérans, j'imagine, occupé par "ses" fantômes qui se promènent dans sa tête remplie. Rentré au pays, il vit dans une prison que sa conscience a elle-même bâtie. Polipe le disait: "Il n'y a pas de témoin plus redoutable, pas d'accusateur plus implacable que la conscience qui sommeille en chaque homme". Pris de folie par des souvenirs qui se rappellent à lui, incapable de maîtriser ses émotions, Frank Money part à la recherche de sa sœur dont la vie est en danger pour la ramener dans le village de leur enfance, un village qu'ils ont essayé de fuir par le passé.

On relit, dans ce roman, la tragédie subie par les "noirs" aux Etats-Unis. On repense à leurs souffrances, à leurs tristesses, à leurs douleurs et on se dit, comme toujours, "quels horreurs!". On réfléchit, encore et encore, à la haine qui se déversait (et se déverse toujours) sur eux. Pourquoi? Mais enfin, pourquoi? A cause d'une couleur de peau? Sérieusement? Eh oui, sérieusement. Et sérieusement, on s'interroge pour, comme d'habitude, ne pas trouver réponse aux questions posées. Comment expliquer la haine? Comment expliquer le mal? On ne découvre rien dans ce roman. On lit ce qu'on sait déjà mais on lit pour se rappeler, pour ne pas oublier que la haine de l'Autre fait bien des dégâts. Et dans ces dégâts, il y a des gens qui essayent de s'en sortir, qui essayent de survivre. Pour tenir la tête hors de l'eau, pour ne pas sombrer, ils travaillent d'arrache pied. C'est le sens de la débrouille, le pouvoir de faire avec presque rien. Dans ces conditions, aucun étonnement, le corps et le cœur s'endurcissent. Et c'est là, dans cette capacité à résister, que la victime de l'Histoire retrouve sa dignité. Toni Morrison donne ainsi une certaine puissance à ses personnages, surtout féminins. Elle leur donne un sens des responsabilités qui nous fait nous rappeler que les individus ne sont pas que des victimes à pleurer.

Home, Toni Morrison, Edition 10/18, 142p, 6.10€


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