dimanche 31 mai 2015

De l'amour des ennemis et autres méditations sur la guerre et la politique - Olivier Abel

Le livre date. Il a été publié en 2002 et réuni, sous une même couverture, des articles écrits entre la fin des années 1980 et 2001, soit pendant mon enfance, pour des revues et des journaux de presse. Il a été acheté par un pur hasard, il y a bientôt quatre ans, pour son prix qui défie toute concurrence, ayant été "offert" à l'achat pour un euros. A ce prix, je m'étais dit pourquoi pas; pourquoi pas faire un saut dans l'inconnu. L'auteur m'était étranger, le titre m'intriguait. L'achat effectué, je l'ai déposé dans ma P.A.L où il est resté toute ses années. J'ai fini par le sortir et, surprise, d'inconnu il n'y en avait pas. 

Ce livre - à l'écriture souple, fluide et parfois poétique, agréable pour résumer- aborde des thématiques qui nous sont en effet familiers, qui sont encore d'actualité. C'est le désintérêt de plus en plus croissant pour la politique telle que présentée par nos professionnels, c'est l'importance de la parole politique de plus en plus décriée, c'est la nécessité de construire un vivre-ensemble, d'affirmer la puissance de la politique face à l'économie et sa financiarisation, c'est la critique du tout bureaucratique, l'éthique de responsabilité et de conviction etc etc... autant dire qu'au temps de mon enfance nos adultes parlaient déjà de ce qui fait aujourd'hui notre actualité. Triste et malheureux constat car c'est avouer que rien n'a changé, que rien n'a bougé, que tous savaient mais n'ont rien fait. On s'alarme aujourd'hui du réchauffement climatique, de l'affaissement du politique face au pouvoir et la puissance de l'économie, de la décrépitude du lien social, autant de thèmes sur lesquels s'est prononcé, avec intelligence et modération, le philosophe Oliver Abel. Ce livre a le mérite pour moi aujourd'hui de confirmer ce que j'ai toujours pensé: on est gouverné par des abrutis qui nous prennent pour des cons. 

De l'amour des ennemis et autres méditations sur la guerre et la politique, Olivier Abel, Albin Michel, 347p, 16.90€

samedi 30 mai 2015

Le Grand Meaulnes - Alain Fournier

J'hésitais à le sortir de ma bibliothèque. Je n'avais pas trop d'enthousiasme à le faire mais je m'y suis forcée. C'est qu'il me fallait commencer à lire ces romans qui font partis de mon challenge ABC dont le but est, tout de même, de découvrir le plus d'auteurs possibles; ceux qu'on ne connait pas et qu'on n'aurait pas approchés si on ne s'y était pas engagé. Ainsi, je me suis sentie obligée de lire Le Grand Meaulnes d'Alain Fournier et, contre toute attente, je n'ai point de regret à partager parce que je l'ai beaucoup aimé, beaucoup apprécié. 

A la fois triste et rafraîchissant, ce roman nous invite à découvrir une vie qu'on ne connait plus - pour la majorité en tout cas. C'est la France à la fin des années 1800, la ruralité, la campagne qui, douce et apaisante, charme par son authenticité, sa fraîcheur et son calme. C'est des jeunes adolescents qui courent après l'aventure, des jeunes hommes fougueux et amoureux qui espèrent retrouver le charme qu'ils ont rencontré par un hasard heureux. Il y a une force tranquille dans ce roman; une beauté, une sérénité; quelque chose de bien jolie; une poésie d'une belle musicalité. Il y a, aussi, de la mélancolie, une tristesse qui se pose lentement, doucement. On est triste à la fin, triste de voir des personnages gâcher le bonheur qu'ils attendaient et espéraient tant. Mais cette tristesse n'est pas de celle qui déprime. Elle nous fait seulement dire - elle me le fait dire en tout cas - qu'il s'agit là d'une belle histoire, d'un beau roman, bien écrit, bien raconté; un roman qu'on prend plaisir à conseiller pour sa beauté si épurée. 

Le Grand Meaulnes, Alain Fournier, Le livre de poche, 218p, 2.50€

mercredi 27 mai 2015

Le bâtiment de pierre - Aslı Erdoğan

Il y a des livres qui interrogent, avec une certaine efficacité, notre capacité de compréhension, qui nous font nous demander si l'on est con ou si l'on nous prend pour des cons. Ils sont, pour nous, dures à lire et à comprendre; on peine à les entendre et il n'y aurait sans doute pas de problème si d'autres ne venaient pas en même temps crier à l'oeuvre du génie. Hein? Quoi? Quel génie? Sérieux? C'est pour ça que je n'ai rien compris? Ainsi, je l'avoue je n'ai rien compris au roman d'Aslı Erdoğan. Bien sûre, elle parle de prisons et de tortures dans son pays la Turquie mais sinon? Je n'ai pas compris l'écriture et n'ai rien saisi au propos. J'ai vu défiler des mots sur des pages. J'ai voulu les saisir et les attraper mais rien y fait ils se sont envolés. J'ai lu sans comprendre, j'ai lu sans rien entendre. Qui était "je", "il", "ils"? Que veulent dire les mots? Et les phrases? J'ai eu l'impression qu'ils n'avaient pas de sens, qu'ils étaient là simplement pour donner le La, pour donner un son, une musique. Et encore, ce sont toujours les mêmes qui reviennent. C'est la "tête affaissée", le "cri", la "branche", les "feuilles", "la bougie de la résistance", l'"halo de solitude", "les deux parties inégales" de "ce visage déchiré par une cicatrice". Je m'arrête là pour ne pas davantage étaler? Non, je vais, un peu, continuer. Il y a le "j'ai reconnu ta voix, ma propre voix qui a pris vie en toi" ou encore "la nuit va s'achever", l' "aube va se lever", "les étoiles vont ...". Blablabla. Je rigole mais il n'y a pas de quoi. C'est de la poésie, apparemment. Ça doit me dépasser, forcément. En quatrième de couverture, il est écrit qu'il s'agit là d'un "texte rare sur l'un des non-dits de la vie en Turquie". Je souris. S'il y a bien un livre qui fait dans le non-dit, c'est bien celui-là même qui se plait à enrober de poésie l'horreur et la cruauté que l'on a servi aux malheureux prisonniers au point que l'essentiel du sujet disparaît. Il ne reste alors dans ce livre qu'une prétendu poésie. Et les tortures? Et les prisons? Et Diyarbakir? Et la célèbre geôle numéro 5? Aslı Erdoğan l'évoque? Où? Quand? Comment? Pour parler de l'horreur, il faut la montrer. Ce n'est certainement pas ce que fait Aslı Erdoğan qui se réfugie derrière son bâtiment de pierre pour ne pas l'évoquer. Une déception. 

Le bâtiment de pierre, Aslı Erdoğan, Actes Sud, 107p,13.50€

Fahrenheit 451 - Ray Bradbury

Et si l'on imaginait un monde sans livre? Un monde où il n'y a plus de réflexion, plus de question, plus d'interrogation? Un monde sans doute, sans hésitation? Un monde de plaisirs et de bonheurs, de contentement de soi? C'est ce monde qu'imagine, ici, Ray Bradbury. Il raconte, en effet, une société où le livre n'est plus, où les idées n'existent plus, où le temps de la réflexion n'est pas autorisé, pas favorisé. Il écrit une communauté qui lutte contre la pensée, source pour elle, de maux et de tracas qu'elle ne veut certainement pas. Et ce au nom du bonheur, qu'elle a cruellement appauvri en vérité, la distraction ne suffisant pas à faire la joie. 

Il y a du bonheur à penser, nous dit Ray Bradbury. Le doute peut blesser, il peut déboussoler, il peut malmener l'esprit qui pense, certes. Penser, réfléchir, questionner suppose l'incertitude, un inconfort; suppose d'embrasser les chemins de la complexité et de la difficulté; les efforts et la fatigue; la perte d'énergie et parfois le désespoir, certes. Mais l'esprit qui pense sait bien que de ce mal peut sortir le plus grand bien. C'est la joie du questionnement, de la découverte. C'est l'amour intense de la Vérité qu'on essaye d'approcher. C'est le bonheur du chercheur, de la quête. C'est le bouillonnement intellectuel qui donne au cœur et au corps une énergie, un sens aussi à la vie. C'est aussi le délice du partage, de la transmission à travers l'échange oral ou écrit. C'est l'ivresse de la confrontation, du débat, de la communication avec l'autre qui dit son accord ou son désaccord. C'est, enfin, pour finir, le départ pour l'action, pour une intervention sur la réalité que l'on veut toujours améliorer - pour sauvegarder ses intérêts lorsqu'on est plus attaché(e) au domaine privé, pour aider la collectivité lorsqu'on se lie à l'intérêt général. Autant de bonheurs qui disparaissent lorsque la société n'autorise et/ou ne permet plus les idées, leurs transmissions et leurs confrontations. 

Fahrenheit 451 critique son époque, et à plusieurs égard, la nôtre aussi. C'est aujourd'hui l'absence d'intérêt pour la complexité, c'est l'abandon de la question, c'est le désintérêt - de plus en plus manifeste - pour le livre et, plus encore, pour la réflexion. La philosophie est raillée - jugée inutile et bien futile, les intellectuels dignes de ce nom ne sont pratiquement plus (sur l'espace médiatique j'entends), plus personne pour poser les questions existentielles, les connaissances sont de plus en plus nombreuses, les informations circulent à un rythme effréné mais qu'en faire? La quantité prime sur la qualité; la satisfaction égoïste des plaisirs, la distraction valent mieux que l'ennui ... on ne sait pas s'ennuyer, on ne sait pas se distraire, se trouver un temps pour la réflexion. On court après un bonheur que l'on rate à tout les coups car, aveugle, on ne sait pas qu'il est tout près de nous voire même en nous. 

Penser c'est souffrir, oui, en effet. Mais ne pas le faire, c'est mourir. Ray Bradbury nous aura prévenu. 

Fahrenheit 451, Ray Bradbury, Folio SF, 240p, 5.80€

lundi 25 mai 2015

La maison du Bosphore - Pınar Selek

Sociologue turque en exil à Strasbourg, Pınar Selek signe ici son premier roman où elle nous raconte son pays, la Turquie. Elle nous invite plus précisément à le découvrir à partir d'un vieux quartier animé par des personnages émouvants qui vivent modestement à Yedikule (Istanbul). Ils sont pauvres. Ils sont humbles. Ils essayent de vivre dans un pays qui peine à leur offrir une heureuse vie. Ils tentent la survie. Ils se démerdent. Ils font avec ce qu'ils ont. Ils font avec leur solidarité et leur fraternité pour échapper au désespoir de la misère et de la pauvreté. Les jeunes essayent de trouver des débouchés, travaillent pour vivre leur liberté, rêvent et imaginent ... avec ou sans espoir. Et dans ce pays à l'histoire tragique, ils se cherchent éperdument. Leurs vieux espèrent pour eux. Une vie meilleure forcément. 

Le régime politique turc, on le sait, n'est pas tendre. Il réprime férocement celles et ceux qui ne sont pas d'accords. Ils sont de gauches, arméniens, kurdes, homosexuels. Ils sont ces minorités qui troublent l’homogénéité nationale tant recherchée. Ils sont les parias de la République de Turquie. Et ils prennent vie dans cette histoire racontée par la militante pacifiste. Pınar Selek dessine, en effet, un quartier lumineux, chaleureux qui brille par sa bienveillance et son humanisme. Il abrite des gens de gauche, des Arméniens, des Kurdes, des Grecs, des pauvres, une prostituée; des gens qui n'ont pas de mal à vivre ensemble; qui s'unissent par un lien profond, d'amitié et de fraternité quand ailleurs on essaye de les opposer, on s'amuse à les mépriser et les réprimer. Yedikule est, ici, le quartier où la solidarité est le lieu de résistance des plus opprimés. 

Ce roman émeut. Il émeut par l'écriture tendre de Pınar Selek. L'auteur a, pour ses personnages, une affection, une amitié. Elle les tient, on le sent, en respect. Elle est douce, avec eux. Elle est caressante, attendrissante. Mais elle est malheureusement sans surprise. Et c'est là le défaut de ce livre. J'ai, en effet, rencontré dans ce livre tous les exclus de la République de Turquie que j'étais certaine de retrouver. Je sais les champs d'études de la sociologue, je sais qu'elle s'intéresse aux oubliés et réprimés et je n'avais, de ce fait, aucune difficulté pour annoncer, au cours de ma lecture, le prochain déshérité que j'allais rencontré. Pas de faute, pas d'oubli, j'ai retrouvé Pınar Selek dans ce roman. Sans surprise. Dommage pour la lectrice que je suis.

La maison du Bosphore, Pınar Selek, Edition Liana Levi, 320p, 21€

Azadi - Saïdeh Pakravan


Azadi, liberté en persan, en kurde également; un mot que crie toutes celles et ceux qui en manquent cruellement comme ces gens qui vivent en Iran. C'est eux que raconte ce roman. L'auteure rend plus particulièrement hommage à celles et ceux qui ont osé braver les autorités en organisant des manifestations pour dénoncer les fraudes électorales lors des présidentielles de 2009 qui ont porté à la victoire Mahmoud Ahmadinejad. C'est le mouvement vert qui n'a pas duré, qui a échoué, qui n'a pas su arracher la liberté. Mais ils ont au moins essayé. Ils ont au moins espéré. Et certain(e)s ont payé, dure, le prix de leurs essais. C'est le cas, ici, de Raha, étudiante en architecture, pleine d'espoir et d'envie pour son pays qui verra ses rêves et son corps brisés après une arrestation injustifiée. L'histoire est triste, forcément, malheureusement. 

Saïdeh Pakravan réussit, dans ce roman, à me "réveiller". Le temps de la lecture, elle me rappelle les souffrances et les douleurs de toutes celles et ceux qui vivent dans des régimes autoritaires, totalitaires. Elle me rappelle les risques que ces gens encourent lorsqu'ils osent exiger ce qui leur revient de droit. Mais malheureusement, ais-je envie de dire, ce que Raha subit, tout le monde, quelque soit le pays et son régime - même démocratique- peut l'éprouver. Il suffit qu'on ôte à l'individu ses droits et qu'on le soumette à un système qui donne à certain(e)s autres l'autorité pour que ceux-là ne se privent pas du sentiment d'impunité. Et pour que celle-là ne soit pas, il ne faut jamais abandonner, jamais se résigner. Il faut toujours opposer à l'autre qui veut nous avilir la puissance de notre droit à être et à exister. Ce roman nous le rappelle avec une certaine efficacité.

Tour à tour, en faisant parler différents personnages, Saïdeh Pakravan nous raconte également l'Iran. Sans jamais approcher le manichéisme, sans jamais faire dans le simplisme, elle dessine les portraits de possibles citoyens iraniens qui expriment leurs points de vue, leurs opinions et leurs sentiments sur leur pays et son régime. Ce sont des jeunes enthousiastes, des anciens désillusionnés, une iranienne expatriée, un sepahi ... ils contestent, dans l'ensemble, le régime, critiquent leur pays, parfois avec sévérité, pour avouer, au fond, qu'ils l'aiment, en vérité, profondément. Ils chérissent l'Iran et veulent, pour lui, un avenir brillant mais savent, qu'il faut, pour cela, s'émanciper de ce régime qui les briment tant. Mais comment y arriver? D'une écriture fluide, tout à fait jolie, presque poétique et même journalistique, Saïdeh Pakravan nous invite à ressentir la douleur de l'Iran, à percevoir ses difficultés, à entendre ses interrogations et à aller au delà des apparences. Petit bémol à son récit: elle fait parler tous ses personnages à la première personne du singulier sans jamais changer de style ni de ton. Résultat, j'ai eu le sentiment que tous parlaient de la même voix; une voix à l'image de la plume, féminine. C'est assez déconcertant quand il s'agit de lire le témoignage des protagonistes masculins. Mais le défaut est minime. Il n'entache pas la qualité de ce roman que je conseillerai avec empressement.  

Azadi, Saïdeh Pakravan, Edition Belfond, 442p, 19€

samedi 16 mai 2015

Tol - Murat Uyurkulak

Quelle déception! Ça fait bien longtemps que je n'en avais pas connu de pareil! J'avais entendu parler de ce roman, il y a quelques années, lors de sa sortie. Les critiques étaient bonnes. Elles disaient de Murat Uyurkulak qu'il était LA nouvelle voix de la littérature turque. Rien que ça! Et là forcément, on ne peut qu'attendre beaucoup de son roman. Je n'aurais pas dû car, malheureusement, pour moi, il a été une catastrophe. Oui, je sais, le mot est sévère mais la déception est telle que je ne peux employer un autre terme pour exprimer mon insatisfaction; grande vous l'aurez comprise.

Catastrophe parce que rien dans ce roman ne m'a plu. La lecture est déplaisante, le style est cafouilleux. C'est brouillon, désordonné, presque chaotique. Qui parle? Où? Quand? J'avais du mal à comprendre l'histoire, les personnages, leur psychologie. Murat Uyurkulak parle de rebelles. Oui, mais lesquels? Ce sont apparemment des révolutionnaires, de la gauche extrême, turque. Sérieusement? On ne voit dans ce roman que des personnalités tordues, psychologiquement atteintes, des crasseux qui pissent et défèquent, des malheureux alcooliques qui puent la merde et/ou la sueur. Ils sont pleins de vulgarités, sans intelligence, animés par une pulsion violente. Ils baisent, boivent, pissent, chient, vomissent et injurient. C'est comme ça qu'il perçoit les révolutionnaires de son pays? Comme des misérables, perdus, égarés, alcooliques et sans esprit? Des malades mentaux? Que veut nous raconter ce roman? 
"Avec Tol, Murat Uyurkulak suit le chemin de la vengeance à laquelle mènent des vies brisées, des vies bannies; il donne un aperçu non officiel de l'histoire non officielle de la Turquie" écrit Yeni Safak
"Murat Uyurkulak semble habité par un volcan intérieur. Il a écrit Tol, son premier roman, comme on pousse un cri. Sa langue argotique, très travaillée, a saisi les lecteurs à la parution en 2002. Tout comme l'évocation sans fard du coup d'Etat et de la guerre contre les Kurdes" dit Le Temps.
Décidément, on n'a pas du tout lu le même roman! Je préviens le lecteur: s'il ne connait pas la Turquie, s'il ne sait rien de son histoire, il ne comprendra strictement rien à ce livre parce que rien n'est dit. Le contexte politique n'est pas précisé, la violence d'Etat n'est que brièvement étalée, la trajectoire des personnages est mal racontée au point qu'on ne sait pas ce qui les a brisés, ce qu'ils ont fait et vécu. Les connaisseurs/seuses peuvent comprendre, supposer, deviner mais les autres? Quant aux Kurdes et à la guerre que leur a mené et mènent toujours l'Etat turc, excusez-moi mais on n'y perçoit "quedal". Quelques mots par ci, par là mais de là à écrire qu'il y a une "évocation sans fard du coup d'Etat et de la guerre contre les Kurdes", j'ai envie de dire que certain(e)s ont dû beaucoup fumer. Non sérieusement, je suis terriblement déçue. J'ai détesté ma lecture qui n'a rien fait d'autre que me mettre mal à l'aise. Il n'y a pas de fond, pas de contenu dans ce roman. Juste un langage cru. Et la vulgarité ne peut suffire à faire un bon écrivain. Alors dire de Murat Uyurkulak qu'il est, avec ce premier roman, LA nouvelle voix de la littérature turque c'est  vraiment crier à la misère et la pauvreté de ce monde littéraire. Je le répète mais quelle déception!

Tol, Murat Uyurkulak, Galaade Editions, 340p, 21.90€

vendredi 15 mai 2015

La nuit de Maritzburg - Gilbert Sinoué

A l'origine de cet achat, l'enthousiasme de Gérard Collard. L'homme, célèbre libraire, a effectivement beaucoup apprécié l'histoire, racontée par Gilbert Sinoué, de cette relation particulière qui liait Gandhi à Hermann Kallenbach, architecte juif allemand. Séduite par la présentation qu'il a faite du roman, influencée par son opinion, je n'ai pas su résister à son acquisition. Celle-ci n'est pas à regretter mais, je dois l'avouer, je ne partage pas l'enthousiasme du chroniqueur puisque j'ai été, moi, un peu déçue de ma lecture. 

Ce roman est pourtant bien construit. L'histoire est bien racontée. La plume est agréable. Il a, je pense, de quoi satisfaire le plus grand nombre; celui qui n'est pas forcément informé sur Gandhi faute d'intérêt pour sa vie, sa trajectoire et son combat. Pour les autres, celles et ceux qui en savent beaucoup ou à peu près, comme moi, le roman perd un peu de son intérêt car on entend beaucoup plus Gandhî que Hermann Kallenbach. Alors oui, c'est Gandhî raconté par son ami/amant allemand qui le vénère mais c'est Gandhî quand même. C'est son combat en Afrique du Sud, sa personnalité, son mode de vie ... qui ont influencé Hermann Kallenbach au point qu'il disparaît complètement - ou presque- du récit pour apparaître véritablement une fois séparé de Gandhî, soit aux toutes dernières pages du roman. Sans doute, l'auteur veut-il nous dire par là que, dans le duo, la personnalité de l'indien était si imposante qu'elle en venait à écraser l'allemand tenu sous influence. Et c'est peut être là une construction réussie mais ça n'a pas empêché l'ennui. Je n'ai rien appris, rien découvert. J'ai lu ce que je savais déjà, le parcours de Gandhî ayant été découvert à travers certains films, certains documentaires et, dernièrement, à travers la biographie écrite par Jacques Attali. Je pensais, moi, que j'allais, dans ce roman, découvrir une nouveauté, quelque chose longtemps tenue au secret mais non. C'est l'histoire banale d'une amitié que certain(s) appelle(nt) un amour non consommé. Banale parce que cette relation n'a rien pour surprendre ou étonner. En tout cas, elle ne m'a pas du tout fait décoller. Gandhî et Hermann se sont aimés. Pas de quoi fouetter un chat. Pas de quoi en faire la découverte du siècle. Ce roman est à conseiller à toutes celles et ceux qui ne connaissant de Gandhî que le nom. 

La nuit de Maritzburg, Gilbert Sinoué, Edition France Loisirs, 549p, 17€

lundi 11 mai 2015

Au revoir là haut - Pierre Lemaitre

La quatrième de couverture m'avait beaucoup attirée. Prise de curiosité, je voulais rencontrer ces deux hommes responsables de la plus grosse arnaque nationale. Ils s'appelle Albert et Edouard. Ils ont fait la première guerre mondiale. Ils ont connu un drame, une tragédie qui les lie, on ne va pas dire à tout jamais. Ils ont voulu sortir de l'enfer dans lequel ils étaient une fois la guerre terminée. Quel chemin ont-ils donc emprunté pour atteindre le paradis tant espéré? 

Ma rencontre avec ces deux personnages s'est dans l'ensemble bien déroulée. J'ai apprécié ma lecture, j'ai pris plaisir à les découvrir même si leur caractère m'ont parfois agacée. Albert est craintif et peureux au point que l'auteur le fait pas mal pisser dans son froc. Manque de crédibilité. Edouard, quant à lui, semble être un poids mort, égoïste et parfois insupportable. Reste que ses deux personnalités sont attachantes et très touchantes. Leur parcours, leur histoire intéresse, captive. J'ai plongé en effet sans difficulté dans ce roman. J'ai nagé avec facilité. Je me suis prélassée même si j'ai parfois trouvé le temps long. C'est, pour moi, l'un des défauts de ce roman. Il tire un peu en longueur. 

Il raconte sinon des choses qui intéressent. C'est la France après la guerre, la misère dans le pays, l'absence de moralité chez certain(e)s individus sans scrupules, les influences et les jeux au sommet de l'administration, les corruptions ... etc. Mais c'est aussi l'histoire d'une filiation, de la relation entre un père et son fils. A ce propos, je n'ai pas apprécié la fin de l'histoire, celle d'Edouard. Elle manquait pour moi de subtilité. 

Enfin, quelques mots à propos de l'écriture. Elle est simple, efficace même si elle manquait, pour moi, de puissance. Je ne saurais l'expliquer, j'ai trouvé qu'il manquait de la poigne, que la plume était un peu trop légère. J'aurais aimé, pour le thème évoqué, une écriture aussi féroce que celle de Zola. Mais n'est pas Emile qui veut... Ce roman reste malgré tout à conseiller pour le moment agréable qu'il promet. 

Au revoir là-haut, Pierre Lemaitre, Le Livre de Poche, 624p, 8,60€

mardi 5 mai 2015

Victoria et les Staveney - Doris Lessing

L'histoire est courte. L'écriture est simple. La plume est agréable. Dans ce roman, Doris Lessing raconte la rencontre d'une jeune fille noire, Victoria, avec la famille Staveney. Elle les aperçoit petite, à l'âge de neuf ans plus précisément, et les découvre plus grande avec, dans les bras, une fille de six ans née d'une relation avec un des fils de la famille. Comment vont-ils réagir à cette nouvelle? Vont-ils accueillir la petite fille? L'histoire, comme constatée, n'a rien de compliqué. Elle est d'une grande simplicité voire d'une belle banalité. Mais elle serait, dit-on, prétexte pour évoquer et dénoncer l'hypocrisie sociale. Bien, mais laquelle? 

Je dois ainsi avouer que je n'ai pas véritablement compris quelle hypocrisie il fallait fustiger. Quelques commentaires ont évoqué les "préjugés raciaux" de la famille Staveney. Mais comment s'expriment-ils? Certes, on retrouve des comportements qui peuvent ressembler à des poncifs. Pour l'un, Edward, le "Noir" est un être qu'il faut sauver de la misère, sur lequel il faut s'attendrir en raison de l'Histoire tragique subit quand pour l'autre, Thomas, la "Noire" est d'une bestialité à savourer. Mais sinon? C'est déjà beaucoup me diriez-vous sans doute. Oui mais non, vous répondrais-je car cette famille, malgré ses petits travers, ne semble pas si mal s'en tirer. Des poncifs, on en a tous. Souvent malgré nous. Et pour ma part, ils ne font pas de mal tant qu'ils ne servent pas à justifier l'impardonnable et l'inacceptable, tant qu'ils n'empêchent pas la relation à l'autre. Or, que sont les torts de cette famille? 

Ils n'auraient pas invité Victoria à leurs différentes sorties, disent-ils. Bien. Et alors? Sont-ils obligés d'intégrer la jeune femme dans leur famille, elle qui vient leur annoncer l'existence d'une petite fille six ans après sa naissance et qui n'est pas engagée à leur fils? Pourquoi le feraient-ils? Au nom de quoi? De sa couleur de peau? L'acceptation de l'enfant suffit, pour le reste ils ne sont obligés de rien. La couleur de la peau ne suffit donc pas à crier au préjugé racial. De même, autre argument, la famille n'inviterait jamais le second fils de Victoria, issu d'une autre relation. Pour la seconde fois, et alors? En quoi la famille est-elle obligée d'avoir des relations avec le second enfant de la mère qui, par ailleurs, ne l'amène jamais en raison de son caractère sauvageon? Cet enfant ne fait pas parti de la famille, à son égard ils n'ont aucun devoir. Mais comme il est plus noir que sa soeur, il faut forcément crier au racisme? Sérieusement, dire qu'il y a là un préjugé raciste c'est vraiment avoir un problème avec la notion de racisme. Certes, elle est difficile à cerner et à prouver mais de là à la voir partout, il ne faut pas exagérer. 

Plus qu'une critique de l'hypocrisie sociale, c'est donc une analyse sociologique que j'ai cru percevoir dans ce roman. Pour moi, Doris Lessing évoque les conséquences de la tragique Histoire qui continue à entraver les relations entre "Le Blanc" et "Le Noir". C'est pour la famille Staveney la peur de mal se comporter avec Victoria qui accueille de ce fait leur bienveillance. C'est pour Victoria une suspicion permanente, se voyant toujours "Noire" à leurs yeux, expliquant, de ce fait, toutes leurs décisions et leurs comportements comme une conséquence de sa couleur de peau. Comment ne pas noter l'intelligence du propos? On le voit au sein de nos sociétés. Les "dominants" (au sens historique) ont du mal à prouver leur sincérité à l'égard des "dominés" qui se pensent, à leurs yeux, toujours "essentialisés". Aider le "dominé", on dénoncera votre condescendance, votre paternalisme et/ou votre hypocrisie. Opposer lui un refus, on évoquera votre racisme et vos préjugés. On ne sait plus que dire, que penser, comment se comporter de peur de blesser ou d'être accusé(e). Le racisme est partout et nul part à la fois. Les relations sont si tendues, le flou est si marqué qu'il est aisé de crier au racisme quand il n'est pas et de ne pas le voir quand il y est. Française d'origine étrangère, je vois comment les gens ont du mal à parler normalement avec moi de certains sujets, prenant milles pincettes pour ne pas me blesser alors qu'il n'y a pas de quoi. Je vois comment certain(e)s voient dans tout refus opposé au "dominé" l'existence d'un racisme invétéré. Et je vois, dans cette ambiance délétère, persister les véritables racismes et les inexcusables humiliations. Alors qu'est-ce que le racisme? C'est la question que pose, entre autre, pour moi, cet agréable roman.

Victoria et les Staveney, Doris Lessing, Edition France Loisirs, 164p, 4€

lundi 4 mai 2015

La Peau de chagrin - Honoré de Balzac

Eh bien non, ça ne fonctionne pas toujours. Des romans de la littérature classique peuvent, parfois, se révéler inefficaces. Et ce fut, pour moi, le cas de Peau de chagrin d'Honoré de Balzac. Je me suis, en effet, ennuyée pendant sa lecture. L'histoire a de quoi intéresser - un jeune aristocrate entre en possession d'un talisman qui réalise tous ses vœux au prix de sa vie - mais l'écriture a surtout de quoi agacer. Elle est lourde, trop lourde. Elle est trop travaillée. Elle est parfois difficile à lire, à entendre et comprendre. Elle freine la lecture et prive le plaisir. Elle m'a tellement agacée que je n'ai voulu faire aucun effort si ce n'est aller au bout de ce que j'avais commencé. Les descriptions des paysages ou des états d'âmes du personnage m'ont fatiguée, les discours des uns et des autres m'ont épuisée. Vraiment, je me suis ennuyée. Et je n'ai, de ce fait, éprouvé aucun intérêt pour la morale que Balzac voulait nous communiquer. Je n'ai pas cherché à le comprendre, je n'ai pas voulu le suivre, je n'ai pas regardé plus loin que le bout de mon nez. Je voulais tout simplement me débarrasser de ce roman qui ne fut pour moi pas d'un grand intérêt. A oublier.

La Peau de chagrin, Honoré de Balzac, Le Livre de poche, 407p, 4.10€