mardi 24 février 2015

La femme sans sépulture - Assia Djebar

Elle s'appelle Zoulikha. Elle est Algérienne. Femme courageuse et affirmée, elle est cette combattante acharnée qui a voulu, contre les occupants français, s'émanciper. Ils ont fini par gagner, malheureusement. Ils ont fini par l'emporter. Ils l'ont capturée, torturée. Ils ont laissé son corps mutilé. Où? Personne, dans sa famille, ne le sait. Elle n'a pas de sépulture, pas de lieu où ils peuvent la pleurer et un peu se consoler. Qu'importe... Zoulikha, même morte, a triomphé. Elle continue d'exister, dans les cœurs et les esprits de celles et ceux qui reconnaissent la liberté quand elle est. Elle continue d'exister grâce à ce roman qui nous apprend qui elle est. En écrivant cette femme sans sépulture, Assia Djebar lui accorde en effet l'immortalité. Elle lui attribue un trophée hautement mérité mais jamais décerné. Elle lui offre ce que sa détermination et son courage valent: l'Estime. 

Zoulikha est effectivement cette femme qui appelle l'exemple. D'une grande volonté, au caractère trempé, elle se donne les moyens d'être ce qu'elle est: une femme indépendante qui refuse les chaines imposées par les traditions et les forces d'occupations. Elle est cette moudjahida qui affirme continuellement son existence. Et comme beaucoup, elle a payé le prix de son être. Planant au dessus de ces pages comme un fantôme - invisible mais omniprésent - Zoulikha m'émeut parce qu'elle me rappelle mes compatriotes kurdes qui ont décidé d'emprunter ce qu'elles pensent être la voix de leur émancipation. Elles sont combattantes, guérilleros. Elles espèrent, elles aussi, se débarrasser des chaines qui les brisent: traditions ou forces d'occupations. Elles ont, elles aussi, eu à connaitre ce que Zoulikha a vécu: tortures et mort. Elles sont, elles aussi, pour certaines, sans sépulture. Sauf qu'il n'y a personne pour écrire leur mémoire. Il n'y a personne pour leur offrir l'immortalité. 

Mais La femme sans sépulture me les rappelle. Elle m'invite à les pleurer et les célébrer. En cela, je ne peux que remercier. Merci à Assia Djebar d'écrire - même avec quelques défauts, à travers Zoulikha, ces femmes qui ont décidé de lutter pour tout simplement exister. 

La femme sans sépulture, Assia Djebar, Le Livre de poche, 243p, 5.60€

 

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